CELINE BOULLOCHE

Accepter les pertes, honorer la vie : la sophrologie face au deuil et aux transformations du grand âge

Aujourd’hui, les personnes âgées de plus de 60 ans représentent 1/4 de la population et pourraient en représenter 1/3 en 2050. Si l’espérance de vie en France après 50 ans s’avère la plus élevée de l’UE chez les femmes (37,4 ans vs 34,9 ans en 2014 dans l’UE ; gain de 2 ans en 10 ans), le nombre d’années vécues en bonne santé reste inférieur à celui de plusieurs pays.

Vieillir c’est apprendre à perdre. Perdre un proche, une habitude, un repère. Parfois même une part de son autonomie, ou de ce que l’on croyait immuable dans son esprit ou son corps. Comment traverser ces bouleversements sans sombrer dans la résignation ou la solitude ? Comment continuer à honorer la vie, malgré les changements profonds qu’elle impose avec l’âge ?

Redonner une place à la transmission et à la dignité

L’un des plus beaux effets de la sophrologie chez les séniors est peut-être de rendre visible la richesse intérieure d’une vie déjà bien remplie. Dans un monde tourné vers la performance et la jeunesse, la parole des anciens est précieuse, leur vécu est un trésor.

La sophrologie offre un cadre pour réexplorer ces valeurs, les faire émerger, les nommer à nouveau. En séance, les personnes âgées peuvent renouer avec ce qui les anime profondément, ce qui a guidé leurs choix, traversé les épreuves, ou ou éclairé leurs relations.

Lorsqu’une personne partage ses valeurs, elle ne transmet pas seulement une expérience, elle lègue un héritage de sens. C’est une manière puissante mais subtile de rester pleinement actrice de sa vie, même en apparence plus passive.

Habiter à nouveau son corps et sa vie

Il existe une réalité physiologique et émotionnelle qui démontre que le corps peut réagir par une forme de figement face à une perte.

Posture refermée, ralentissement global, respiration raccourcie, désinvestissement du mouvement. Le corps devient silencieux, voire absent. Dans ce contexte, la sophrologie intervient comme une réouverture douce et respectueuse de l’espace corporel. Pas à pas, elle invite à :

  • Retrouver sa mobilité, dans le haut du corps, les jambes…
  • Réactiver la conscience du souffle, pour libérer les tensions
  • Réhabiter son corps comme une maison encore habitable, vivante

L’intention n’est pas de « remettre en marche », mais recréer un lien, une présence, une disponibilité à ce qui est encore là.

Un retour progressif à la sensation corporelle permet aussi de restaurer un sentiment d’existence : « je sens, donc je suis ». Il aide la personne à se sentir à nouveau reliée à elle-même et au monde, même dans un contexte de vulnérabilité.

Un espace de reconquête intérieure, où la personne peut, à son rythme, reposer un pied dans le présent. Non pas en oubliant ce qui a été perdu, mais en choisissant de rester en lien avec ce qui reste de vivant.

Vivre l’impermanence avec douceur

Cynthia Fleury, philosophe et psychanaliste, développe dans les Irremplaçables (Gallimard 2015) une pensée puissante : notre société maltraite la perte parce qu’elle nie la singularité. Pour elle, apprendre à perdre, c’est affirmer la valeur irremplaçable de chaque être humain.

Dans une logique productiviste, la perte est perçue comme un échec ou un manque. Or ce qui est perdu n’est pas remplaçable : ni un être aimé, ni une époque de vie, ni une part de soi.

Apprendre à traverser la perte, ce n’est pas céder à la dépersonnalisation. C’est se rappeler que la fragilité fait partie de la condition humaine, qu’elle est une donnée essentielle de l’éthique. Elle insiste sur la nécessité d’habiter les vides, à vivre sans l’après, sans chercher à « remplir », mais à composer autrement.

Conclusion

Accepter qu’il y ait un avant, un après, tout en gardant une continuité intérieure. C’est reconnaître que la douleur n’efface pas ce qui a compté, mais qu’elle demande à être écoutée, traversée, intégrée avec délicatesse.

Corps, mémoire, conscience… tout cherche à se réorganiser pour faire place à cette nouvelle réalité. Dans cet ajustement fragile, il y a aussi une forme de beauté. Celle d’une humanité plus humble, plus sensible, plus vraie.

La philosophe Anne Dufourmantelle écrivait que « la vulnérabilité est le lieu même de la transformation. » C’est peut-être la le coeur du processus : comprendre que ce que l’on croit perdre est parfois ce qui nous révèle à nous-même. 

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